Réseau social, tu perds ton sang froid
Que penser lorsqu’une critique acerbe s’infiltre dans les nombreux réseaux sociaux devenus juges parmi les juges ? Fusse-t-elle justifiée, il aurait été de bon ton et bien plus respectueux de s’adresser directement à la personne ou à l’équipe concernée. Mais ce n’est pas la bienséance qui préside aux écrits, pour la plupart anonymes, fustigeant un comportement, des idées, un service, un produit… Il n’y a manifestement pas de volonté progressiste, de conseil ou de critique constructive. Et encore moins de bienveillance. Ces lectures montrent une réelle volonté de nuire dans une forme de verbiage souvent mal construit ou bien peut-être est-ce une façon d’exprimer une grande frustration, une jalousie, une forme de détresse psychologique et/ou sociale ? Que sais-je ?
Il serait si simple et bien plus utile d’émettre des appréciations constructives pour l’intérêt commun. « Passez votre route » pouvons nous lire de temps à autre dans TripAdvisor à côté de commentaires plus élogieux. Que faut-il croire ? Les auteurs mesurent-ils l’impact de leurs appréciations, sommes toutes, subjectives. D’un côté, on revendique le droit à l’erreur pour encourager l’initiative et une certaine prise de risque, de l’autre on amplifie l’intransigeance et le jugement.
Bien que les Facebook, Trip Advisor, Instagram… puissent aisément revendiquer leur utilité dans un usage équilibré, force est de constater que la médiocrité de quelques-uns vient gâcher l’enthousiasme du plus grand nombre.
A l’heure d’une volonté affichée d’une plus grande maîtrise de la confidentialité des données personnelles et du questionnement récurrent de la manipulation de masse via les réseaux sociaux, ne serait-il pas judicieux d’apprendre et d’acculturer au bon usage des publications dans le domaine public ? Est-il normal que sous le prétexte de la libre expression, l’on puisse laisser circuler des propos diffamatoires, sous couvert ou non de l’anonymat, sans pouvoir réagir et surtout supprimer tous ces messages ? La réponse directe n’a pas vraiment de sens tant l’échange est biaisé et irrationnel.
Le site Glassdoor montre à lui seul toute la perfidie de ces systèmes déshumanisés. Comment pouvons-nous à l’échelle de notre société tolérer ce genre d’outils qui ne cherchent qu’à générer de la confrontation entre les Hommes par le jugement de l’un par l’autre pour mieux se montrer et monnayer leurs produits ou services ? Je suis affligé que nous puissions tomber dans de tels travers pour nous et nos enfants. Qu’un flot grandissant de personnes puisse rentrer dans cette manipulation de grande envergure. N’avons-nous plus le sens de la raison et l’altruisme inné ? Ou bien est-ce sous l’influence de ces réseaux qui savent toucher les émotions des plus fragiles que l’Humanité renonce à ses valeurs humanistes ?
Quand j’ai pu lire les premiers commentaires agressifs voire diffamatoires, dénués de sens et de vérité, c’était tellement caricatural que l’on s’inquiète pour ceux qui les ont émis. Au final, derrière un pseudo, ils montrent une absence de courage, une déception, une frustration, une émotion, un caractère, une personnalité en manque d’assurance, déstabilisée probablement et en quête de sens assurément… À quel titre peuvent-ils émettre un quelconque jugement et surtout à quelle fin ? Pour prévenir d’un danger imminent ?! Parfois, l’on peut se demander si nous ne sommes pas revenus à une forme d’inquisition des temps modernes pour préserver un dogme libertaire mal défini avec des juges derrière les écrans.
Dans une organisation/entreprise, il y a une culture, un mode de fonctionnement, des talents pour exercer un ou plusieurs métiers, créer de la valeur ajoutée ou soutenir une cause, une vie sociale. Tous les acteurs sont interdépendants et indissociables. Vouloir ternir son image d’une façon quelconque, sans preuve d’actes délictueux et sans mesurer les impacts de ses actions montre une absence totale de sens des responsabilités et une réelle inconscience. C’est donc contradictoire au regard de la liberté et du libre arbitre que chacun souhaite et parfois revendique. La liberté est au prix de la responsabilité individuelle et collective. Elle est aussi au prix de la bienveillance et du respect de l’autre. Ces minorités qui s’expriment par l’entremise des réseaux sociaux le savent bien. La majorité des personnes aussi, mais elles, ayant le sens des responsabilités et de la mesure ne s’expriment pas ou trop peu. Nous devons sortir de cette spirale négative qui nous mène vers des déconvenues majeures. Des réseaux sociaux anti-sociaux brisant la confiance nécessaire aux relations interpersonnelles.
C’est avec l’intelligence collective et l’intelligence émotionnelle que la vie peut être vue comme un émerveillement. Il nous revient de choisir un autre chemin, de nous mobiliser, de nous sentir concernés. Les réseaux sociaux sont aussi faits pour ceux qui sont bienveillants. Serait-il donc possible de nous imposer dans toute publication de tenir des propos positifs et progressistes ? Inspirer ou soutenir devrait être une devise.
La confiance se gagne avec la transparence, la fiabilité et la compétence. Notre société y gagnerait à revendiquer et incarner ces trois piliers pour impulser un nouvel élan humaniste à l’échelle de notre planète.
Nous savons investir des moyens considérables pour aller dans l’espace, retourner sur la lune… Que savons-nous investir pour apprendre à mieux agir et vivre ensemble ? Nous parviendrions à économiser les ressources de notre planète si nous parvenions à changer nos comportements, à adopter des comportements raisonnables sans renoncer aux progrès ou aux plaisirs, à partager plus qu’à posséder, à coopérer plus qu’à œuvrer seul…
Voilà pourquoi les réseaux sociaux devraient être un moyen de nous inspirer, de nous rassembler et de nous soutenir pour relever les défis qui se présentent à nous. Bannissons le mépris et la critique négative, encourageons la tolérance et la bienveillance. Rassemblons les énergies et les forces progressistes et ne tolérons aucune dérive destructrice.
Aujourd’hui, ce que nous voyons au travers de ces réseaux comme dans un miroir, c’est une véritable alerte pour notre société. Le mal-être est profond et les peurs se cristallisent dans des champs de confrontation qui se multiplient.
Pour infléchir cette tendance, il n’y aura qu’une réaction collective. Une prise de conscience qui engendre un mouvement de fond. Ce sera probablement long cependant, nos responsabilités individuelles et collectives sont d’ores et déjà engagées. Nous devons oser pour rendre possible ce qui nous paraît impossible et entamer le chemin de la réussite.
Il n’y a pas de dogme, pas de guide suprême ou de vérité, il y a la volonté, le comportement et la conviction de chacun pour écrire une sorte de nouveau pacte social. D’autres formes de plateformes digitales de crowdfunding, de concertation ou de co-voiturage telles que Ulule, Colidée ou Blablacar peuvent soutenir un nouvel élan en réunissant nos moyens et nos idées pour co-construire le monde de demain. Ces sites ont compris que l’indice de confiance des personnes envers les autres est essentiel. D’ailleurs, ici, chacun s’exprime en son nom. Encore faut-il maintenant que nous dépassions nos intentions et agissions avec audace pour sortir de nos habitudes, de nos zones de confort, des comportements acquis… du jugement passons à l’encouragement, à l’initiative, à la force de proposition dans l’intérêt commun. Apprenons à agir ensemble en confiance !
Thierry Pédeloup